La filière gazéification en France et en Europe…

La pyrogazéification a un fort potentiel de développement notamment en France. En effet, ce procédé répond aux trois grandes problématiques actuelles : la valorisation des déchets, la transition énergétique et les réductions de GES.

Selon une étude récente de l’ADEME[1] montrant la faisabilité de produire un gaz 100% renouvelable en 2025, la pyrogazéification aurait une place importante dans cet horizon. D’après la Figure 30, le potentiel de production via la pyrogazéification serait compris entre 15% (40 TWh) et 40% (148 TWh) du potentiel global en fonction des scénarios.


[1] Étude « Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050 ? » (ADEME, janvier 2018).

Concernant la disponibilité des ressources, il en ressort que les gisements sont très divers et bien répartis sur tout le territoire. De plus, une grande partie d’entres eux sont peu valorisés aujourd’hui.

La filière pyrogazéification est en pleine construction en France avec l’émergence des premières unités commerciales. En effet, les entreprises sont de plus en plus confrontées à la problématique de la gestion de l’énergie et sont contraintes de substituer leur utilisation d’énergies fossiles par des énergies plus propres. L’une des solutions étant la gazéification de diverses biomasses, de nombreux projets émergent. En voici quelques exemples majeurs pour chaque application de la gazéification.

… Pour la production de chaleur

La CAVALE (Coopérative Agricole des Viticulteurs et Agriculteurs de Limoux et des Environs) dispose d’une distillerie située sur la commune de Limoux (France). Cette distillerie valorise chaque année 10 000 tonnes de marc de raisins pour produire de l’alcool de bouche, des colorants, des polyphénols, des pépins de raisins, des tartres ainsi que des huiles essentielles. La coopérative a décidé en 2016 d’investiguer un projet de valorisation en gazéification du marc épuisé, sur son site industriel du Pont du Sou à Pieusse (11). Le principe est de produire un syngas par gazéification du marc puis de brûler ce gaz via un brûleur pour alimenter en chaleur le séchoir à pépins utilisé dans le process de la distillerie.

La société Verallia (anciennement Saint Gobain Emballage) en Champagne (France) conçoit et fabrique des emballages en verre, notamment des bouteilles de champagne. En 2018, Verallia a produit près de 16 milliards de bouteilles et de pots. Le four verrier du site de production de verre creux à Oiry (Epernay), où sont fabriquées les bouteilles de champagne, anciennement alimenté au gaz naturel, est désormais en partie alimenté par un syngas produit par gazéification de sous-produits de l’exploitation viticole (sarments, ceps, …).

…. Pour la cogénération

La centrale Synnov basée à Villers-sous-Montrond (France) valorise des déchets (déchets du bâtiment et refus de tri) par gazéification. Le syngaz produit par gazéification permet d’actionner cinq moteurs et une turbine pour produire de l’électricité qui alimente le réseau EDF. La chaleur produite est récupérée et alimente les groupes industriels voisins. La capacité de transformation de cette centrale est de 45 000 tonnes de déchets par an. Elle peut ainsi produire 51 600 MWh d’électricité et 90 000 MWh thermiques par an.

On dénombre de nombreux autres projets de cogénération par gazéification chez nos voisins européens où le contexte économique est plus favorable (tarif de rachat de l’électricité préférentiel) tel que l’Allemagne et l’Italie par exemple qui comptent par centaine leurs unités en fonctionnement de cogénération par gazéification.

…. Pour la production de biométhane 2G

D’autres projets ont fait le choix de convertir le syngas en biométhane pour une injection dans le réseau. Ces projets sont généralement de tailles plus importantes. En voici les principaux :

La centrale GOBIGAS, inaugurée en 2014 dans la ville de Göteborg (Suède) convertit 90 000 T/an de plaquettes de bois en biométhane. Ce dernier est directement injecté dans le réseau de transport de gaz de la ville. L’installation a une puissance de 20 MWbiométhane (34 MWbiomasse).

Le projet a été lancé en 2006 et s’inscrit dans le plan stratégique de Göteborg Energi d’atteindre à l’horizon 2030, 100% de gaz renouvelable dans le réseau de la ville. Le réseau est par ailleurs alimenté en biométhane par des unités de méthanisation de déchets.

Le principal marché visé en Suède est la commercialisation de biométhane carburant sous forme de Bio GNV. La ville de Göteborg possède déjà plus de 50 stations de rechargement et est soutenue par une forte demande de la part des entreprises et des particuliers.

En France, le projet GAYA est une plateforme R&D semi-industrielle dirigée par ENGIE et subventionnée par l’ADEME. Elle a pour objectif de démontrer la faisabilité technique, économique et environnementale de la production de biométhane par gazéification de biomasse suivie de la méthanation du gaz de synthèse (conversion du gaz en méthane). Les résultats apportés par ce pilote en fonctionnement depuis 2016 ainsi que l’appui du gouvernement devraient permettre l’apparition des premières installations à taille industrielle en France à l’horizon 2021.

Le démonstrateur GoGreenGas est un projet en développement à Swindon en Angleterre. Il est mené par la société Advanced Plasma Power en partenariat avec Cadent (réseau de distribution de gaz au Royaume-Uni) et deux autres partenaires. Il vise à démontrer la faisabilité technico-économique et environnementale de la production de biométhane pour une injection dans le réseau de gaz. Il convertira des déchets de biomasse et des déchets industriels en méthane de synthèse grâce à une technologie couplant un lit fluidisé dense avec une torche à plasma. Cette dernière est utilisée pour craquer les goudrons contenus dans le syngaz, et pour vitrifier les cendres en un matériau pouvant être réutilisé dans le secteur de la construction. Actuellement, le pilote en place consomme 1,8 tonnes de déchets par jour (à 10% d’humidité) et la construction d’une unité industrielle est en cours. La capacité d’une unité industrielle standard Gasplasma® est de 400 tonnes de déchets par jour.

Le démonstrateur Ambigo est un projet en développement à Alkmaar aux Pays-Bas. Il vise à développer la filière de production de biométhane issu de pyrogazéification pour une injection réseau. Ambigo sera alimenté en bois et en matières recyclées qu’il convertira en méthane grâce à une technologie de pyrogazéification couplée à une méthanation. L’unité aura une puissance de 2,6 MWbiométhane (4 MWbiomasse) et injectera dans le réseau de gaz local. La rentabilité du projet est en partie basée sur le tarif d’achat négocié avec le gouvernement Néerlandais, en accord avec Gasunie, la société d’infrastructure et de transport de gaz naturel aux Pays-Bas.

… Pour la production de biocarburants

Le syngas peut également être converti en biocarburants, notamment via la synthèse de Fischer-Tropsch. Voici deux projets en développement en France et en Allemagne :

Le projet BioTfueL, lancé à Dunkerque (France) en 2010 par un consortium de grandes entreprises, dont les groupes Total, Axens et Avril, vise à convertir de la biomasse lignocellulosique (sous-produits agricoles et forestiers ou biomasse spécifique) en biogazole et en biokérosène de seconde génération. La biomasse est gazéifiée pour produire un gaz de synthèse qui est ensuite converti en biocarburant par la synthèse de Fischer-Tropsch. L’objectif d’ici à 2020 est de produire annuellement 200 000 tonnes de biocarburant (2/3 de biodiesel et 1/3 de biokérosène) à partir d’un million de tonnes de biomasse.

Le pilote Bioliq II situé en Allemagne a pour objectif de démontrer la faisabilité d’un procédé de transformation de biomasse (sous-produits agricoles et forestiers) en biogazole. Le procédé est composé d’une pyrolyse rapide qui produit une huile à haute valeur énergétique appelée SynCrude. Cette huile est ensuite gazéifiée pour produire un syngas riche en CO et H2. Ce syngas est ensuite épuré et converti en biogazole. A terme, ce procédé doit permettre de produire 1 litre de gazole à partir de 7 kg de paille.

… Pour la production de bioH2

Enfin, le syngas peut permettre la production d’hydrogène. Voici les deux projets majeurs en France :

Le projet « Wood-Hy/Hy-boy », porté par la communauté de communes des Landes d’Armagnac, a vocation à produire de l’hydrogène vert à partir du bois de trituration des pins de la forêt Landaise via un procédé de gazéification. Le site devrait entrer en production en 2022 et l’’hydrogène produit sera valorisé pour la mobilité verte. La production devrait atteindre 1.000 tonnes d’hydrogène par an dans un premier temps, de quoi alimenter plus de 5.000 véhicules chaque année. C’est un projet qui créera de l’emploi tout en valorisant la ressource locale en circuit court, avec un rayon d’approvisionnement en bois limité à 30 km. Le projet a été développé avec la société toulousaine Enosis et est maintenant soutenu par le groupe Engie. Il est par ailleurs l’un des lauréats de l’appel à projets national « Territoires hydrogène ».

Le projet VitrHydrogène vise à développer et optimiser un procédé industriel, nommé Hynoca ® (HYdrogen NO CArbon) développé par la société française Haffner Energy. Il s’agit d’un procédé de conversion de la biomasse en hydrogène par pyrolyse suivi d’un Water Gas Shift. Un premier démonstrateur devrait démarrer en 2019 à Vitry-le-François (France) pour une durée de 4 ans. Début 2020, la première station commerciale sera mise en service sur le site. Elle produira 120 kg d’hydrogène par jour à partir de 500 tonnes annuelles de granulés de bois. Ces granulés seront petit à petit remplacés par des plaquettes forestières et à terme, le bois ne représentera plus que 20% de la matière entrante, pour privilégier l’emploi de déchets (Résidus de déchets agricoles, forestiers, lisiers de porcs, fientes de volailles, pailles de céréales, ordures ménagères organiques, …). Cette station permettra d’alimenter 200 véhicules (base 20 000 km/an) chaque année.


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